La photographie en aqua est de plus en plus populaire, mais elle reste une pratique onéreuse et technique qui n’est pas donnée à tout le monde. Qui de mieux que Ben Thouard pour nous parler du matos et de ses évolutions ? Le photographe revient sur sa propre expérience, ses débuts en aqua et son travail aujourd’hui, à l’heure du numérique et des réseaux sociaux. Celui pour qui Teahupo’o n’a plus beaucoup de secrets a pris le temps de répondre à nos questions.
Surf Session – Depuis combien de temps fais-tu de la photo en aqua ?
Ben Thouard – « J’ai commencé en 2005 avec un caisson fait maison dans un premier temps, par manque de moyen.
SS – Depuis tes débuts, est-ce que ton matos a beaucoup évolué ? Et le matos en général ?
Ben Thouard – Quand j’ai commencé j’étais encore à la pellicule. De ce point de vue là, le matériel a beaucoup évolué, le numérique a amené de la facilité et une résolution extraordinaire. On n’a plus les films à transporter, à amener au labo, à attendre leur développement et à prier pour qu’ils soient bons. Aujourd’hui le résultat est immédiat, le jour même on peut envoyer les images à travers le monde. Alors qu’avant on avait un diapo que l’on envoyait à un magazine et ça prenait une semaine. Le numérique a aussi amélioré la qualité d’optique offrant une plus grande stabilisation des capteurs. Des choses qui rendent la photo plus accessible.
SS – As-tu beaucoup d’appareils ou bien un que tu ne quittes jamais ?
Ben Thouard – J’ai eu un boîtier que je ne quittais jamais mais aujourd’hui mon matériel se diversifie davantage. Dans mon travail personnel j’alterne entre du moyen format et du 24/36. Pour les shoots plus commerciaux, quand il s’agit de surfeurs pour une marque par exemple, j’utilise du 24/36. J’utilise du matériel Canon, en ce moment un R5 et un 1DX Mark III, ce qui me permet d’être rapide. Dans la mesure où l’utilisation des photos se fait beaucoup sur le web, on n’a pas forcément besoin d’avoir une qualité extraordinaire en terme de millions de pixels, 20 millions suffisent. Mais je fais aussi du print, des tirages d’art, ce qui m’oblige à travailler avec des capteurs de meilleure résolution.
SS – Quelles sont les conséquences de ces évolutions techniques sur tes propres innovations ?
Ben Thouard – À l’époque où l’on mettait un film dans l’appareil, on fermait le caisson, on passait la barre et une fois que tu étais de l’autre côté, tu avais 36 poses. Il fallait réfléchir avant d’appuyer sur le bouton. Maintenant on glisse une carte dans l’appareil qui contient 2000 photos, c’est extraordinaire. Ça nous permet de shooter en rafale, ce qui n’est pas forcément une bonne chose non plus, mais tu peux shooter un surfeur à 15/20 images par seconde. Le numérique a aussi permis des angles plus inédits ainsi qu’une plus grande stabilisation des capteurs. Et dans un milieu où tout bouge en permanence, ça fait la différence. Avec des capteurs qui font 50 millions de pixels, on parvient à une qualité de détails exceptionnelle.
SS – Peux-tu nous parler du boîtier, de l’objectif et des réglages que tu affectionnes particulièrement ?
Ben Thouard – Ça dépend des conditions et de ce que je shoote, j’utilise pas mal de choses. Du fish eye pour le surf, du grand angle pour les images sous-marines, du 16-35 et ça va jusqu’au 70/200, ce qui me permet de chopper les plus petits détails dans la vague. Ces dernières années j’ai beaucoup shooté en sous-marin, les turbulences, comme c’est le cas dans mon dernier livre du même nom. J’utilise un 16/35, un zoom grand angle qui me permet d’être plus polyvalent sous l’eau. C’est assez paradoxal, j’ai shooté au 4 millième de seconde pour figer l’instant mais aussi au 30ème de seconde pour créer ces impressions de flou filé. J’utilise des caissons aquatech de surface, plus légers que les caissons de plongée. Ils possèdent des clips de fermeture plus rapides et des hublots que l’on peut interchanger plus facilement.
SS – Comment est-ce que tu gères l’impact et à quel moment décides-tu de plonger ?
Ben Thouard – Tout est une question de ressenti, comme en surf quand tu décides de partir sur une vague. C’est aussi une histoire d’expérience, je sais à quel endroit rester et où il ne faut surtout pas être. Je joue avec les limites en permanence pour avoir la bonne photo et j’ajuste mon placement quand la vague arrive. Il faut bien se placer et anticiper.
SS – As-tu déjà perdu ou cassé du matos ?
Ben Thouard – Oui, ça arrive malheureusement. Une fois je me suis retourné en jet ski, avec un pelican case à moitié ouvert et j’ai tout perdu. Deux gros boîtiers 1D X et quatre optiques série L de chez Canon, l’équivalent de 20-30 000 euros. C’est l’un des pires scénarios, mais par chance mon caisson n’a jamais pris l’eau.
SS – Si tu avais des conseils à donner au niveau du choix du matos, quels seraient-ils ?
Ben Thouard – Ça dépend du budget et des compétences de chacun. Pour faire des photos dans l’eau, on peut déjà prendre une go-pro et faire des choses extraordinaires. Un réflexe et un caisson d’occasion, c’est minimum 2-3000 euros et neuf il faut compter 9-10000 euros. Mais il ne faut pas que le matériel soit un frein dans la création d’images et de contenu. Même une go-pro permet de faire des choses originales. Il ne faut pas attendre d’avoir le matos qui va bien pour faire des images, même s’il peut être un frein technique.
SS – Comment as-tu géré l’apparition des réseaux sociaux et la transition qui s’y est opérée ?
Ben Thouard – Au début je n’avais pas Instagram et je ne voyais pas l’intérêt. Mais il me permet aujourd’hui de montrer mon travail, de toucher plus de gens, de vendre plus de prints et de bouquins. Mais malheureusement, beaucoup de gens et de marques ne sont pas prêts à acheter des photos parce que pour eux « c’est seulement pour Instagram. » Pourtant c’est là que tout se passe. Ces outils sont fabuleux mais très concurrentiels, tout le monde peut avoir un compte et se dire photographe, il faut naviguer avec. »