Portrait : Paul Duvignau entre longboard, shape et coaching

Le Landais revient sur son histoire, les moments forts de sa vie de surfeur et tout ce qui le passionne.

15/08/2024 par Ondine Wislez Pons

© Aurélie Guérin
© Aurélie Guérin

Le nom Paul Duvignau évoque une quantité de choses, qui ont pour dénominateur commun le surf. Le longboard, le shape, le Challenge La Nord, les sessions de gros à la rame dans les Landes, les road trips en 4L ou en 4X4, le surf tandem, le travail du bois, Belharra… Autant de sujets qui façonnent sa personne et son univers. Et si Paul est un personnage incontournable du paysage surf contemporain en France, il évolue un peu en marge de celui-ci, apportant sa vision, différente de la vision dominante. Le surfeur se reconnaît d’ailleurs plus dans le surf tel qu’il est pratiqué et vécu ailleurs dans le monde, que ce soit en Australie ou en Californie.

Sa longue chevelure frisée ornée d’un chapeau à larges bords, son style dans l’eau comme sur terre et son sourire ne passent pas inaperçus. Pour autant, il n’est pas du genre à se mettre en avant, se situant davantage du côté de ceux qui suivent leur propre chemin, obstinément et passionnément, guidé par son goût de la glisse, de la surf culture, du shape, du voyage et de la quête de vagues, le long de sa route.

Curieux de son histoire et de sa vision du surf, nous avons franchi les portes de son atelier d’Angresse, dans les Landes, où il travaille le bois, où il shape ses planches, là où ses passions se mêlent et où ses rêves naissent jusqu’à devenir concrets.

À l’origine, le surf

Du haut de ses 27 ans, Paul n’a jamais connu la vie sans le surf. Il a deux ans lorsqu’il pose ses pieds sur une planche pour la première fois, sous l’œil attentif de son père, lui-même intimement lié au surf. Depuis, tous les aspects de sa jeune vie se sont construits autour de la glisse : son temps libre, sa pratique sportive, ses voyages, son activité professionnelle… Et s’il a d’autres passions ou projets, le surf n’est jamais loin.

Paul a 7 ans quand il se met sérieusement au surf. Il surfe d’abord les planches de son père, bien trop grosses pour lui, qui auront d’ailleurs une grande influence sur sa pratique future, préférant les grandes planches aux petites. Mais avant de se consacrer au longboard, dont la glisse lui correspond beaucoup plus, le jeune landais pratique le shortboard en compétition dès l’âge de 10 ans.

L’évidence du longboard

L’année de ses 15 ans, le surfeur délaisse ses petites planches, alors ridées par la plupart des garçons de son âge, pour le longboard. « Je m’amusais plus avec des grandes planches. Je me suis plus retrouvé dans le longboard perf que dans le longboard classique, parce que les vagues landaises s’y prêtent plus » nous confie Paul pour qui le longboard était bien plus challengeant que le shortboard. « Quelles que soient les vagues j’allais à l’eau, même quand c’était creux et qu’il y avait des barrels. Je pouvais passer partout en longboard, c’est une question de technique et de détermination. » Deux choses, visiblement, dont Paul ne manque pas. 

Son histoire avec le longboard a débuté par une compétition, les championnats des Landes, où il s’est retrouvé seul dans la catégorie espoir et donc, qualifié d’office pour les championnats d’Aquitaine. « Je n’avais pas de longboard alors j’ai demandé à Guitou de m’en faire un » nous apprend Paul, qui avait alors prêté la plus grande attention à la fabrication de son premier longboard. Une planche qui lui a d’ailleurs permis de se qualifier pour les championnats de France.

L’année de ses 16 ans, le jeune surfeur fait un voyage au Portugal avec le Pôle espoir, encadré par Patrick Beven et Mathieu Vayron, au cours duquel il prend réellement conscience que le longboard est bien fait pour lui. « Premier jour, première vague, j’ai pété mon shortboard à Supertubos. J’ai été contraint de surfer mon longboard pendant le reste du stage. C’est là que je me suis rendu compte que je pouvais surfer mon longboard tout le temps, quelles que soient les vagues. Je suis rentré à la maison et j’ai gagné les championnats des Landes en Open alors que j’étais encore en Espoir.« 

Très vite, le longboard devient une passion, que Paul vit plutôt en solitaire au cours de son adolescence, les vagues landaises se prêtant davantage aux petites planches qui, particulièrement à cette époque, étaient la tendance. « J’ai fait face à pas mal de bizutages, notamment dans mon club de surf. À 15 ans, j’ai commencé à faire des alaias qui, au début, étaient des saucisses. J’ai reçu pas mal de moqueries. Quand tu es différent ou bien que tu fais des choses différentes, tu es une proie facile. Mais ça ne m’a pas empêché de continuer à faire ce qui me plaisait. On faisait parfois des petits trips au Pays basque avec le club, du côté de Guéthary ou de Lafit. Quand tout le monde prenait la reforme au bord, mes grandes planches me permettaient d’aller au fond » se rappelle le surfeur.

Entre ses 15 et ses 20 ans, Paul enchaîne les compétitions jusqu’à remporter son meilleur titre, celui de vice-champion de France. Après quoi il décide d’arrêter le circuit pro dans lequel il ne se retrouve plus vraiment. « La compétition m’a motivé un temps, mais elle est trop contraignante. Je voulais surfer là où je voulais, quand je voulais » nous dit Paul alors avide d’une liberté, qu’il semble avoir trouvée.

Des terres influentes

Dans son enfance, puis dans son adolescence Paul a été marqué, nourri par les magazines, les films de surf et toutes les petites histoires qu’on lui racontait et qui participent à enrichir la grande histoire du surf. S’il y a un film en particulier qui a construit son imaginaire et ses rêves, faisant naître en lui son envie de voyager, c’est bien The Endless Summer 2. « Ce film m’a beaucoup influencé. Déjà parce que contrairement au premier, il est en français et quand j’étais plus jeune je ne comprenais pas l’anglais, mais aussi parce que l’un des deux surfeurs est longboardeur et qu’ils partent autour du monde pour suivre l’été et les vagues » explique Paul, inspiré par les idéaux qu’incarnent ces deux surfeurs et qui très jeune, fera des voyages qui l’ont marqué et ont déterminé beaucoup de choses.

Très jeune, ses nombreux voyages l’ont beaucoup inspiré, notamment en Australie, en Californie et à Hawaii. Si dans les Landes il ne s’identifiait pas vraiment à la tendance dominante très tournée vers le shortboard, il a découvert en Australie toute la culture longboard très implantée dans des lieux comme Byron et Noosa où il s’identifiait beaucoup plus à la culture et aux surfeurs locaux.

© Aurélie Guérin

« Ça a été une sorte de délivrance, je n’étais plus seul dans mon délire et j’ai beaucoup progressé. En France j’étais le champion local, quand je suis arrivé en Australie je suis tombé sur des gamins de 10 ans qui mettaient des hang ten » explique Paul. Âgé de 15 ans lors de son premier voyage en Australie, le Français se rappelle une anecdote qui l’a beaucoup marqué à l’époque. « J’avais pris mon alaia et un jour, alors que je traversais la route avec mon alaia sous le bras, un vieux m’a crié ‘c’est trop cool de voir un kid surfer une alaia’. Quand je lui ai dit que je l’avais faite moi-même il a été super impressionné, alors qu’en France on se foutait de ma gueule » se rappelle Paul. Si dans sa jeunesse il a pu être blessé par certaines remarques, c’est aussi celles-ci qui lui ont donné envie de suivre sa voie : « Quand on te met des bâtons dans les roues ça forge le caractère profond et ça augmente la détermination. » Quitter la France, voir ce qu’il se passe ailleurs, élargir son horizon ont permis au jeune longboardeur de s’épanouir dans sa pratique et de progresser.

Les grosses vagues

Véritable féru de longboard, Paul prend aussi un immense plaisir à surfer ses guns dès que l’occasion se présente, surtout à la Nord, à Hossegor, dans des conditions parfois dantesques, jouant avec les limites de ce qu’il est possible de faire à la rame. Sensible à leur glisse, leur inertie, le surfeur retrouve dans ces grandes planches ce qu’il aime dans le longboard. « J’aime ces planches parce que je les accompagne dans les manœuvres, plutôt que de devoir gérer absolument tout ce qu’il se passe, comme ça peut très souvent être le cas avec des planches qui sont plus du côté du shortboard, avec lesquelles le surfeur dirige radicalement sa trajectoire » nous apprend-il.

Le lien que le surfeur entretient avec le spot de la Nord prend racine il y a longtemps. « C’est une vague qui m’a toujours impressionné. J’y suis allé pour la première fois à l’âge de 10 ans et j’ai pris une rouste. J’y suis retourné 4 ans plus tard, petit à petit. J’ai toujours eu peur, mais en même temps j’ai toujours été très attiré par cette vague. Aujourd’hui je possède un lien profond avec elle et je saurais pas trop l’expliquer. Elle reste assez mystérieuse, car elle ne marche pas tout le temps, il faut les bonnes orientations de houle, la bonne période… Bref, la Nord est une sorte de drogue mystérieuse, c’est un peu comme aller cueillir des cèpes… » confie Paul, qui a d’ailleurs remporté à deux reprises compétition du Challenge La Nord organisée sur le spot quand les conditions le permettent.

Une longue histoire de shape

Depuis son adolescence, Paul fabrique ses propres planches, qu’il s’agisse d’alaias, de longboards ou de guns. Et si aujourd’hui, il shape une quarantaine de planches par an, il n’a jamais souhaité en faire un business, ni une activité à temps plein.

Gamin, il était fasciné par l’atelier de Guitou, le shapeur qui a marqué son enfance au fer rouge. Depuis ce temps-là, l’idée d’avoir son propre atelier ne l’a jamais quitté et il l’a d’ailleurs concrétisé. « Guitou est le héros de mon enfance. Son atelier était rempli de vieilles planches de surf, de skate, de vieux posters… J’étais émerveillé par le fait qu’il soit capable de fabriquer une planche de ses mains que j’allais ensuite pouvoir surfer » nous confie le surfeur, qui a beaucoup appris à son contact.

Paul a 13 ans quand il fabrique sa toute première planche. Ses parents lui ayant interdit l’utilisation de produits chimiques, il s’est alors tourné vers le bois, réalisant ainsi sa première alaia. « Guitou m’a aidé en traçant l’outline et je l’ai beaucoup surfée. J’ai commencé à me poser beaucoup de questions sur le surf. Je prenais conscience qu’il y avait autre chose que le shortboard et je me demandais pourquoi la plupart des gens ne surfaient que ça » se souvient-il.

Cette alaia fut la première d’une longue série. Paul en a ensuite shapé une pour des membres de son entourage, des potes de son père et notamment pour Tom Curren. On l’a d’ailleurs questionné sur son lien avec l’ancien champion du monde américain. « Tom est un ami de la famille, que l’on a rencontré quand j’avais 10 ans. Il est souvent venu passer des séjours à la maison et je suis souvent allé chez lui, en Californie, ce qui nous a permis de passer un peu de temps ensemble. Pour moi, c’est un artiste très créatif, tant dans son surf que dans la musique ou le shape. Il est toujours à la recherche d’un truc différent, nouveau, c’est pour cette raison que l’on s’est bien entendu. Quand j’étais ado, je lui ai shapé une alaia qu’il a beaucoup surfé. Je lui en ai fait d’autres, puis il a commencé à faire ses prototypes de skimboard surf et on a fait un modèle ensemble il y a cinq ans, quand il était venu passer deux mois dans mon atelier. On se marrait bien, c’était un bon moment. Ce qui m’inspire chez lui, c’est sa liberté d’être, de vivre et son surf hors du commun. Tout le monde parle de lui comme d’un mec timide et réservé, mais c’est tout l’inverse quand tu le connais vraiment.« 

Par la suite, Paul a travaillé pendant trois ans dans un atelier de shape landais, aux côtés d’un glasseur qui lui a beaucoup appris, parfaisant ainsi ses connaissances et son geste. Depuis un peu plus de 5 ans, il fabrique des planches dans son atelier d’Angresse, accordant un soin particulier à créer des planches qui conviendront parfaitement à celles et ceux qui les surferont.

Depuis quelques années Paul collabore avec la marque Vissla, pour laquelle il réalise de nombreuses choses. Les valeurs de la marque, qui défend les shapeurs artisans, collent parfaitement à notre surfeur-shapeur. « Quand Vissla m’a contacté, c’était pour faire quelques logos, ils ont aimé alors ils m’ont pris avec eux à l’année. Mon premier projet pour eux a été la caravane de shape, qui me permettait d’aller sur des évents et de shaper en live. » La marque a permis à Paul de concrétiser sa passion, l’aidant à obtenir son atelier où se mêlent shape, menuiserie et mécanique. Une histoire qui semble faite pour durer dans le temps…

Paul et Tom
Paul et Guitou

Le surf coaching longboard

Pour compléter son univers déjà bien rempli, Paul a développé son activité de coaching longboard en France et à l’étranger, ayant lui-même manqué de modèles quand il était plus jeune. « Je n’ai pas eu la chance d’avoir un coach pour progresser en longboard. Je me suis formé en voyageant et en observant les autres » nous apprend-il, ayant aussi beaucoup appris de son expérience de juge sur les compétitions de la Fédération Française de Surf. « Ça m’a permis de porter un regard critique sur le surf et donc de progresser. Je ne me contentais plus de regarder une vague en me disant ‘lui il a fracassé’, j’étais capable de noter une vague en fonction d’un bottom réalisé comme ceci ou d’une manœuvre faite comme cela.’ Détailler et comprendre le surf m’a beaucoup apporté et après ça, quand je voyais des longboardeurs autour de moi, j’avais envie de les conseiller, de les orienter… Tout ça me venait très naturellement » raconte Paul qui a donc passé son BP à Soustons pour pouvoir exercer.

Si Paul coache par passion, l’idée de sortir de la solitude de son atelier l’a également séduit.  » Mes cours s’adressent à des surfeurs et des surfeuses qui ont un niveau intermédiaire ou perf et qui ont envie de passer à un niveau supérieur. Il n’y a pas vraiment de cours qui s’adressent à des longboardeurs qui savent déjà surfer et qui ont besoin de progresser. Ça m’intéresse d’observer mes élèves, de connaître leur passé en surf, leurs objectifs… Je les oriente sur le style de glisse et le type de planche les plus adaptées à eux » résume-t-il.

Les coachings s’étendent au-delà du temps passé à l’eau, Paul proposant à ses élèves de leur faire une planche ou les orientant vers tel ou tel modèle. « Il ne s’agit pas pour moi de simplement shaper une planche, je regarde la personne surfer et je sais ensuite ce qu’il lui faut, je lui fais essayer des planches avant… Je pousse mes élèves vers la glisse qui leur correspond le plus, pour qu’ils prennent le plus de plaisir possible à l’eau » poursuit le surfeur. Ses années de pratique, ses connaissances en surf comme en shape, son regard affuté, son expérience… Autant de compétences qui forment un tout que Paul a envie de transmettre à celles et ceux qui, comme lui, ont été happés par la passion de la glisse et du longboard.

Initialement publié le 30 juillet 2024


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