Portrait : Anna Gudauskas, entre eaux froides et éco-conscience

Extrait du magazine Surfeuses n°1, été 2022.

09/02/2024 par Maia Galot

Anna Gudauskas
Anna Gudauskas
© Sarah Lee / Billabong

Surfeuses a vu le jour à l’été 2022, avec un nouveau nom et de belles histoires. Dans ce numéro 1, marrainé par Alice Lemoigne, on retrouvait un article d’inspiration sur Bethany Hamilton, un trip en Irlande avec Marie Chauché, des portraits de surfeuses de grosses vagues comme Laura Mayer ou d’artistes, mais aussi un focus mindset avec Johanne Defay et un pas dans le monde du bodyboard avec la championne brésilienne Isabela Sousa ! Sans oublier un dossier de société sur le typhon Rai aux Philippines, un portfolio signé Maria Bastidas ou encore la communauté Girls Surf Too en Afrique du Sud.

Bref, pleins de sujets à découvrir au fil des pages et des envies du moment. Aujourd’hui nous vous partageons le portrait de Anna Gudauskas (page 48), qui abodre la vie façon freesurf !

L’exploration surf, vectrice de changement

L’eau froide. Elle est la hantise de bien des surfeurs et surfeuses, pour qui l’idée de perdre des sensations dans leurs extrémités est une perspective peu attrayante. Une bonne partie d’entre nous lui préfèrera les eaux estivales voire tropicales, plus accueillantes, moins contraignantes. Anna Gudauskas n’est pas de ceux-là. Depuis de nombreuses années, la free-surfeuse a fait du surf en eau froide sa spécialité. Un choix en parfaite adéquation avec son mode de vie.

Si les trips d’Anna s’orientent bien souvent aux extrémités nord et sud de la planète (Canada, Islande, Alaska, hivers néo-zélandais…), ce n’est pas par hasard. C’est même l’une des premières choses que l’on apprend en discutant avec elle : “ces dernières années, je suis devenue obnubilée par le fait de trouver des destinations de surf en eau froide”. Pour la surfeuse, la température de l’eau n’est en effet qu’un détail, car elle trouve avant tout son plaisir dans la découverte de destinations où la nature est encore pleinement vivante, et laissée tranquille par les foules. Des destinations où elle pourra se laisser porter par des vagues parfois jamais surfées auparavant, dans des endroits “magnifiquement intacts”. 

Je me suis rendue compte que je préférais avoir froid plutôt que de surfer des vagues blindées” nous raconte-t-elle. Son but, c’est aussi “d’élargir l’idée du surf trip en dehors des villes balnéaires bondées”. Parce que par son mode de vie et ses choix, Anna peut aussi inspirer. L’Américaine crée des images et des histoires qui résonnent avec les gens, d’abord sur son blog (à l’époque où ce format prédominait), puis sur les réseaux sociaux. “Voyager m’a permis de réaliser ce à quoi ressemble un environnement océanique immaculé, et à l’inverse de voir aussi des endroits plus pollués et pleins de déchets. Le partage de ces expériences permet la compréhension, de voir à quoi ça devrait ressembler et comment l’écosystème devrait prospérer. Il est important d’en parler et de montrer la beauté de la nature mais aussi de montrer les choses à améliorer” explique-t-elle au sujet de sa démarche. Car si certains free-surfeurs se focalisent sur la performance, le message de cette dernière est plus porté sur l’expérience. Par son vécu, Anna fait un portrait peut-être moins courant, mais plus parlant de “l’aventure du voyage”. 

Trip en eau froide, mode d’emploi

De par son caractère singulier, le trip en eau froide requiert plus de planification qu’un trip en Indonésie ou en Amérique Centrale. Selon l’habituée, il est primordial de planifier a minima ses premiers jours sur place : savoir où dormir, comment se déplacer, prendre ses repères sur place. Par confort peut-être, mais aussi par sécurité, car une fois dans le froid, il est toujours mieux de savoir comment réchauffer son corps pour se remettre sur pied. La surfeuse, qui est loin de chez elle près de la moitié de l’année, aime aussi tant que possible se connecter aux locaux. Que ce soit des amis, des connaissances faites sur les réseaux sociaux ou des rencontres sur place (sur la plage, dans un restaurant…), c’est pour elle le point essentiel pour rendre un surf trip plus personnel. “Il faut saisir les opportunités de discuter avec les gens qui vivent là. Savoir ce qui est respectueux et ce qui ne l’est pas, ça fait la différence. Respecter aussi les traditions et les croyances locales, jusqu’à prendre connaissance de qu’ils ne voudraient pas que tu photographies ou partages, notamment des secrets spots. Toujours garder en tête que c’est le foyer de quelqu’un.” 

Anna Gudauskas
© Sarah Lee / Billabong

Naviguer dans l’éco-conscience

C’est aussi dans la notion de partage que cette passionnée trouve un équilibre entre son mode de vie tourné vers le voyage et sa conscience écologique. “Aimer la nature m’a donné envie de la protéger”. Élevée par des parents randonneurs, c’est très tôt qu’elle a intégré un mode de vie respectueux de l’environnement, au travers de gestes simples et accessibles comme la limitation de l’emploi de plastiques à usage unique ou encore la réduction des trajets en voiture autour de chez elle. “Je pense que n’importe quel pas qu’on peut faire pour aider la planète, cumulé, fait une vraie différence” atteste-t-elle.

Dans sa vision, il faut surtout prendre conscience que des changements sont possibles, à portée de main, et qu’ils feront la différence. Pas dans l’illusion, Anna est bien consciente qu’un mode de vie porté sur le voyage n’est pas un allié idéal de cette démarche. En effet, il est connu aujourd’hui que le tourisme dans son ensemble a joué un rôle majeur dans la dégradation de l’environnement marin et côtier, du fait de son impact polluant lié notamment aux transports et au développement d’infrastructures dans des zones auparavant vierges. Mais selon la surfeuse, il reste plus important de se focaliser sur les solutions que sur les manques pour amener un changement.

En partageant ses expériences, elle sensibilise aussi à la beauté de la nature, et aux raisons pour lesquelles sa protection reste primordiale. C’est ce qu’on retrouve dans ses images et dans ses textes. “Il y a une citation qui dit – Si tu veux savoir ce que quelqu’un aime, regarde ce qu’il photographie – et dans mes pellicules, on trouvera mes amis qui s’amusent, tout ce qui peut être lié au plein air et à la nature, du surf, et tout ce qui fait le voyage”. 

En parallèle, Anna mène des projets de sensibilisation à la cause environnementale, à l’image de son expédition “Catch a clean wave” où pendant une dizaine de jours en compagnie de son amie et photographe Sarah Lee, elle a parcouru en juillet 2021 près de 2000 kilomètres sur la côte Ouest des États-Unis. Le but ? Aider à la prise de conscience des communautés qui profitent des plages de la côte, en y organisant des nettoyages de plage et des sessions de surf. À la rencontre des locaux, les deux amies ont pu ramasser plusieurs centaines de kilos de déchets, et se connecter aux autres autour d’une cause commune nécessaire et urgente. Un premier pas pour permettre aux usagers d’une quinzaine de plages de réaliser la présence de ces déchets sur les côtes et dans les écosystèmes marins. Fort de cette expérience, le duo envisage de répéter l’expérience sur la côte Est du pays prochainement.

Dans son mode de vie, la jeune femme se fait ainsi l’ambassadrice d’une vie ancrée, où la nature prend une place centrale. Autour de cette dernière, elle a construit un univers qui lui ressemble, établi avec honnêteté, au-delà des idéaux.

Anna Gudauskas
© Sarah Lee / Billabong
Anna Gudauskas
© Sarah Lee / Billabong

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