Ramzi Boukhiam, au mental

"C'est un test de la vie, mais je ne vais pas lâcher"

25/04/2023 par Maia Galot

Ramzi Boukhiam
Ramzi Boukhiam
Ramzi Boukhiam

Le Marocain a commencé le surf du côté d’Agadir, « kilomètre 14, vers Taghazout« . Né d’un père marocain et d’une mère hollandaise, c’est en famille qu’il découvre les joies de l’océan. Son père pêche, son frère surfe et dans un premier temps il fait du bodyboard. D’abord à fond dans le foot, il choisira le surf, encouragé par son frère, vers ses 10 ans. Sa première compétition arrivera cette même année, la première d’une grande lignée. Avec sa victoire au Grommets Trophy (devenu par la suite King Of the Groms) et sa participation à la finale mondiale à Capbreton l’année suivante, Ramzi, poussé par Laurent Miramon, est répéré par Quiksilver, une histoire qui aura duré 17 ans.

S’en suit un déménagement à Anglet avec sa mère au décès de son père en 2007, un cursus en sport-études et très vite l’arrêt des cours pour se consacrer à sa carrière junior. Fort d’un titre de vice-champion du monde ASP Pro Junior en 2013, Ramzi se lance sur les QS la même année. “Ma carrière en senior commençait bien et puis tu passes par des phases où tu manques un peu de discipline, tu te blesses, tu es jeune et tu apprends” se souvient-il aujourd’hui. « Je ne regrette pas car c’est mon chemin, j’aurais peut être pu faire ce que j’ai fait l’année dernière, aller chercher la qualification, plus tôt. Mais c’est ce qui m’a formé. J’étais curieux des expériences de la vie. Ce sont mes choix et j’ai passé des moments incroyables. Aujourd’hui j’en suis là où j’en suis, plus mature, plus posé« .

Bien entouré

Durant son parcours, le résident d’Anglet s’entoure de surfeurs landais et de membres de son team. “On était une bonne bande, j’ai beaucoup trainé avec les mecs qui sont aujourd’hui mes meilleurs potes, les gars de générations d’au-dessus comme Marc Lacomare, Jeremy Flores, Charly Martin, Patrick Beven, Miky Picon et Dimitri Ouvré. Ces gars là m’ont donné beaucoup de conseils. J’ai fait des compétitions avec Dimitri Ouvré avant qu’il ne rentre à Saint Barth’ puis j’ai passé du temps avec Marc Lacomare. On a eu deux coachs en commun donc on a beaucoup surfé ensemble« .

Aujourd’hui et depuis 2019, le surfeur de 29 ans est accompagné par Aziz Bouchga, avec qui il a construit une relation de confiance. « Il m’accompagne sur l’aspect performance mais on est proche donc on discute aussi d’autres choses. Il fait le travail mentalement et me met dans de bonnes conditions sur les compétitions. Du coup j’aime bien l’avoir avec moi, au-delà des conseils techniques c’est important de se sentir juste bien avec la personne qui t’accompagne”.

Après 17 ans, sa relation avec Quiksilver se solde lors de la COVID-19. Une étape qu’il a vue venir au fil des années et qu’il n’a pas forcément regrettée. “J’ai passé de très belles années avec Quiksilver mais ma relation était beaucoup avec Pierre Agnès (disparu en mer en 2018, ndlr). Quand il est parti, j’ai senti les choses changer, l’état d’esprit de la marque a évolué. Avant on était vraiment une famille, c’était soudé des plus anciens aux plus jeunes, du junior aux gars sur le CT. Ce sont des choses que je ne ressentais plus sur la fin et mon attachement à la marque était moins fort que lorsque j’étais plus jeune« . Depuis, Ramzi s’appuie sur deux sponsors marocains, Aïn Atlas et Taghazout Bay, en tant qu’ambassadeur. Côté planches, il travaille depuis de nombreuses années avec JS Industries. Quand on le questionne sur ses besoins pour la saison, il est réaliste. « C’est bien mais bien sûr le circuit CT coûte cher et j’aimerais bien avoir un équipementier dans le milieu du surf, cela me ferait plaisir de représenter une marque de surf et d’avoir un sticker au nose. Mais il faut que ce soit quelque chose de concret« .

Le QS, parcours du combattant

S’il a décroché en 2022 sa qualification pour le Championship Tour, ça a bel et bien été à la sueur de son front et au prix de nombreuses années de travail. Ces dernières passant, les doutes s’installent chez le surfeur pro, qui voit le niveau de plus en plus présent sur le circuit QS où les jeunes entrent de plus en plus tôt. « Ma pire année mentalement c’était en 2019, juste avant ma qualifications aux Jeux Olympiques. Je faisais une saison horrible, je ne me reconnaissais plus, en surf comme en dehors, au point que j’ai voulu arrêter après le QS d’Anglet« . Encouragé par son coach, il accepte de pousser pour 4 échéances supplémentaires : Pantin, les ISA Surfing Games au Japon (Miyazaki), Ericeira et les Açores. C’est cette seconde compétition qui a changé la donne. Au Japon, alors qu’il est déterminé à arrêter et n’a aucune attente de l’événement, Ramzi décroche sa qualification aux Jeux Olympiques 2020, les premiers de l’Histoire où le surf sera représenté. Il retrouve ces sensations oubliées, le feu de la victoire qui « efface tout le reste » et le déclic est là. Avec les JO en ligne de mire, le voilà animé d’une nouvelle flamme qui ne le quittera plus. En 2020, il remporte l’Oi Hang Loose Pro Contest, QS 5000 au Brésil dès le début de saison. « Je me dis que ça y est, c’est mon année. J’ai des boards de malade sous les pieds, je sentais que mon surf avait passé un cap. Et puis la pandémie est arrivée”.

Malgré l’arrêt des compétitions, coupé dans sa lancée, Ramzi maintient le cap mentalement. Son année 2021 ne se passe pas comme il le souhaite, mais les Jeux Olympiques le gardent sur sa voie. « J’aurais dû me qualifier en 2021, il y avait peu de compétitions et peu de points nécessaires. J’avais 28 ans et je pouvais redescendre, je me suis dis que c’était hors de question. Concernant les Jeux, j’étais fier de représenter le Maroc et être porte drapeau c’était la cerise sur le gâteau. Mais les vagues n’étaient vraiment pas pour moi. Malgré l’expérience incroyable j’aurais voulu faire une meilleure performance mais c’est comme ça. »

Mentalement il n’a donc pas lâché, restant sur cette dynamique retrouvée deux ans plus tôt. En 2022, le goofy entame fort sa saison sur les Challenger Series avec une 5e place au Boost Mobile Gold Coast Pro, une 17e au Sydney Surf Pro et une 9e à l’US Open Of Surfing. « Je savais qu’il me fallait une performance au Brésil, surtout que je voulais me qualifier avant Hawaii. Malgré ma sortie au premier tour au Portugal j’ai refusé de lâcher, je suis allé au bout. Je suis allé chercher la performance mentalement, ce qui n’est pas quelque chose que j’aurais pu faire avant. Au final j’y ai fait mon meilleur résultat« .

Ramzi Boukhiam CERS blessure
© Surf Session
Ramzi Boukhiam JO

Le coup du sort

Alors qu’il réalise enfin son rêve, Ramzi se blesse à la cheville lors de l’inter-saison. « C’est un test de la vie, mais je ne vais pas lâcher« . Arrivé tôt à Hawaii, le pro se sent bien « mentalement et physiquement« , commence à travailler avec un préparateur physique australien et se sent impatient de « mettre le lycra pour la première fois”. Il pense déjà au passage du cut, qui lui permettrait de faire l’expérience des compétitions dont il rêve depuis toujours, J-Bay et Teahupo’o. « Je veux voir ce que je peux faire là-bas. Face à n’importe qui. Que ce soit Medina, Toledo ou un Ethan Ewing à J-Bay, il faut être bien en canne car ça fracasse. Mais c’est ça l’objectif, de battre les meilleurs dans les meilleurs vagues ».

Objectif Teahupo’o

S’il ne verra pas ces vagues cette année sur le circuit WSL à cause de sa blessure, Ramzi pourrait rencontrer la belle tahitienne sur une occasion d’envergure : les Jeux Olympiques de Paris 2024. Pour cela, il doit aller chercher sa qualification aux championnats du monde ISA, qui auront lieu au Salvador en mai. Sur place, il doit se classer comme « meilleur surfeur du continent africain« , pas une mince affaire quand on sait que l’Afrique du Sud y enverra par exemple les membres du CT Matthew McGillivray et Jordy Smith.

« À Teahupo’o je veux envoyer. La vague fait peur mais si les conditions sont là ça peut être fou : les tubes, le souffle, la casse. Pour l’image du sport aux yeux du monde c’est incroyable. J’y suis déjà allé en free surf sur quelques swells et j’étais sur place lors du swell historique de 2021, c’était une expérience de malade. J’y ai fais ma première fois en tow-in, tracté par Thierry Domenech. J’ai pris une boîte monumentale car je ne connaissais pas la planche de tow mais ça aurait pu être la vague de ma vie. Ensuite je n’ai pas retenté car je suis pas free surfeur, je ne peux pas prendre trop de risques. Mais je sais que j’y retournerai car cette vague, elle t’attires, tu veux la surfer.« 

Le regard vers l’avant

En rééducation au CERS de Capbreton, Ramzi garde le cap et le moral. Il devrait savoir au moment du cut de mi-saison s’il peut bénéficier ou non de la wildcard pour blessure qui lui permettrait de réintégrer l’élite l’année prochaine et d’enfin y avoir sa chance. Pas d’assurance de ce côté-là, cette saison 2023 recensant nombre de blessures chez les hommes (Jadson Andre, Miguel Pupo et plus récemment Jack Robinson)… Son retour à l’eau devrait s’effectuer sur les ISA où il ira chercher la qualification. Des updates à suivre !


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