Il n’a échappé à personne que Mavericks ces derniers jours est intenable, offrant session après session, des vagues toujours plus grosses. Mais dimanche, le chargeur sud-africain Grant « Twiggy » Baker nous a fait une belle frayeur. Car après s’être lancé à la force des bras sur une vague effrayante, l’expérimenté chargeur a tout simplement fait un haut-bas comme ça nous est tous un jour arrivé. Sauf que là, le barrel ne mesurait pas 1m50…
Interrogé par Surfline, Grant Baker est revenu sur cette belle frayeur.
« J’ai été trop confiant. J’ai vu la vague de Pete (Mel) l’autre jour et je me suis dis que si ce vieux gars pouvait le faire je pouvais le faire aussi (rires) » a-t-il lancé sur le ton de l’humour en regardant son pote. « Il m’arrive de tomber sur des grosses vagues mais pas si souvent que ça. Aujourd’hui Mavericks m’a mis une beigne et m’a montré qui était le patron. Ma tête a quand même cogné fort. Sous l’eau, je me suis parlé à moi-même. J’ai tiré sur le gilet et j’ai essayé de rester calme. Quand je suis remonté, j’étais face à la plage. J’ai pris de l’air, et je me suis retourné vers le large. Là, je me suis pris la 2e dans la tête. J’étais à ce moment-là au pire des endroits, non loin de la lèvre. Sous l’eau pour la 2e fois, j’ai essayé de rester calme encore et toujours mais je n’avais pas pris une grosse bouffée d’oxygène. Je me suis fait tirer vers le bord. Je suis remonté, et je me suis pris la 3e vague. Méchante aussi mais moins violente que les deux premières. Et pareil pour la 4e. Violente mais toujours moins pire que celle d’avant. Et le jet ski est venu me récupérer juste avant les rochers. Je n’ai pas eu de chance avec mon wipeout, mais j’ai par la suite été très chanceux de ne pas me blesser. J’y suis retourné juste après pour ne pas rester sur cet échec. Et je n’aurais peut-être pas dû, je tremblais sur le bateau, j’étais encore plein d’énergie et d’adrénaline ».
Joint par téléphone ce matin, nous avons demandé au jeune chargeur basque Matthieu Aguirre ce qu’il pensait de ce qui s’est passé à Mavericks ces derniers jours.
Matthieu Aguirre – « Ce qui s’est passé ces deux dernières semaines à Mavericks, c’est un truc de malade mental. Et ça fait plaisir de voir un peu de vagues de là-bas. J’ai vu le wipeout de Grant Baker et la vague de Pete Mel, ce sont les anciens, les mecs ils ont 50 ans et plus et ce sont eux qui chopent les bombes les jours de grosses houles. Moi j’espère à 50 ans pouvoir encore faire du longboard dans 50 cm et eux ils te chopent ces bombes à Mavericks. Le drop de Twiggy, c’est un des trucs les plus hallucinants que j’ai vu. L’engagement est fou. De ce que je vois, j’ai l’impression que sur leur vague, Twiggy et Pete Mel se sont mis bien plus à l’interieur que les autres. Quand tu vois Twiggy partir, tu vois ensuite que la vague gonfle. Je pense qu’il ne s’y attendait pas, et il fait un énorme haut-bas. Avec la vitesse, il a dû se prendre une énorme claque. Quand on voit comment on peut ramasser dans 2m à Parlementia, là je n’ose même pas imaginer. Mais Twiggy c’est un des gars qui a le plus d’expérience dans le surf de gros. Il sait ce qu’il faut faire. Il faut vraiment arriver à déconnecter avec tout ce qui se passe autour ».
Justement, quel est le meilleur comportement à avoir sous l’eau quand tu ramasses ?
M.A – « C’est quelque chose qui dépend des personnes. Moi personnellement, quand je bouffe comme ça, j’essaye de faire le vide dans ma tête, de ne penser à rien. J’essaye d’être le plus détendu possible. Même si j’essaye de ne pas être trop détendu non plus, pour quand même réaliser où tu es et pour ne pas te faire mal. En général, moi je reste en boule et j’essaye d’apprécier le moment, et attendre que ça passe. Maintenant, avec la technologie on a tous des gilets pour nous faire remonter. Mais à Mavericks, je sais qu’il y a souvent des mecs qui passent deux vagues sous l’eau donc ce qui est important c’est surtout l’entraînement. Ces mecs ce sont des athlètes, des machines, ils sont surentraînés et très bien équipés. C’est intéressant de voir ça alors que la problématique de l’insécurité dans le surf de gros est d’actualité ».
Sur l’utilisation de la veste d’impact et des gilets
M.A – « Personnellement, ça m’est arrivé de mettre le gilet et de ne pas le déclencher. Car quand c’est très gros, je mets le gilet d’impact plus le gilet cartouche. Parfois, le gilet impact peut suffir. Après, ça dépend de la sensation sous l’eau. À Mavericks, je ne connais pas mais je pense qu’ils déclenchent le gilet à chaque fois tellement c’est gros. Mais lors d’une chute comme celle de Twiggy, ce n’est pas toujours facile de le déclencher, ça va très vite. Au début j’avais tendance à ne pas vouloir tirer tout de suite mon gilet pour ne pas faire la bouée. Je voulais attendre d’être sous l’eau pour le déclencher. Mais dans des vagues comme Mavericks, que tu le gonfles avant ou après l’impact, tu iras sous l’eau. Je pense maintenant que c’est important de le tirer avant car après, avec la masse d’eau et la pression, ça peut écraser un peu l’air. La chute de Twiggy je pense qu’il ne s’y attendait pas du tout. La vague double, et il fait un haut-bas dans 8m. C’est hallucinant ».
M.A – « Oui c’est l’endroit le plus safe pour tomber. Il vaut mieux tomber dans un tube, faire le tour et ramasser, que prendre la lèvre en pleine tronche. Il y a un an j’ai pris la lèvre d’Avalanche en pleine tête, je me suis fait une luxation de l’épaule et une entorse du genou. Si j’étais tombé dans le tube j’aurais pas autant ramassé physiquement. Tu ramasses quand même, mais c’est moins violent. À Mavericks, quand tu entends le bruit de la vague… Tu ne veux pas être sous la lèvre ! Mais ça, tu ne le choisis pas. Twiggy il fait un haut-bas, avec la vitesse, ça doit faire bien mal. En plus il a ramassé la série derrière… ça demande tellement de préparation. J’ai trouvé ça intéressant de voir sur ce swell à Mavericks, que même si des virtuoses comme Kai Lenny ou Lucas Chianca étaient de la partie, les bombes ont été prises par des mecs expérimentés. Ce sont eux les pionniers, ils ont plus d’expérience que tout le monde, et ça paye ».