Fight for the Bight est le mouvement initié par l’Alliance de la Grande Baie australienne et qui a pour but d’empêcher la mise en place d’un champ de forage au large des côtes sud australiennes. Le mouvement, fortement relayé par les réseaux sociaux, a pris de l’ampleur quasiment en même temps que la lettre ouverte des surfeurs australiens, publiée en mars dernier :
«En cas d’échec, la propre étude d’Equinor montre le grand potentiel d’un déversement de pétrole sur les plages sur des milliers de kilomètres. Une marée noire dans la baie serait catastrophique et la côte sud de l’Australie ne serait plus jamais la même. The Bight est sauvage et vierge et devrait le rester. Les surfeurs soutiennent les communautés côtières de la baie et au-delà et demandent à ce que la grande baie australienne soit préservée de tout forage pétrolier en eau profonde. »
Heath Joske, ambassadeur Patagonia en Australie, est parti en Norvège pour porter les contestations du projet au pied même de l’immeuble de la société Equinor.
Quel est le projet exact, qui le porte, que vient faire la Norvège dans la protection de la baie australienne… on vous explique tout concernant l’actuel débat environnemental australien.
Le projet initial et ses acteurs
C’est la société Equinor, compagnie d’énergie pétrolière et éolienne norvégienne, qui est à l’origine du projet qui fait tant débat. Comme annoncé déjà sur notre site il y a quelques temps, la compagnie souhaite faire de la grande baie d’Australie un champ de forage de pétrole en eau profonde. Le champ de forage serait réalisé à un peu moins de 400 km de la côte australienne, à 2 500m de profondeur, dans des eaux sauvages qui étaient jusqu’à lors considérées comme trop profondes pour être exploitées.
Pour veiller sur le projet et lui donner le feu vert, Equinor compte sur NOPSEMA, l’Autorité Nationale de Sécurité du Pétrole Offshore et de Management de l’Environnement. Un organisme « censé » faire office de régulateur.
Suite à la publication du projet en février dernier, les Australiens ont bien évidemment réagi : plus de 30 000 personnes ont écrit à NOPSEMA pour contester les projets de la société Equinor. Le régulateur industriel a dans la foulée demandé à l’entreprise de revoir son plan environnemental en 60 jours. Le jugement de NOPSEMA sur la révision du plan environnement devrait tomber d’ici septembre, ce qui correspondrait avec les dates d’Equinor pour commencer les explorations et les premiers tests de forage.
Que vient faire la Norvège dans tous ça ?
Si le surfeur et activiste Heath Joske est parti en Norvège avec le mouvement Fight for the Bight, ce n’est pas pour rien. Tout d’abord, Equinor est une société norvégienne dont le siège social se tient à Stavanger. Au mois de mai dernier, une délégation est partie d’Australie pour porter les protestations du projet à la porte d’Equinor.
Le local australien Heath Joske était du voyage. Il a tout d’abord mené un paddle-out à Oslo, où se sont réunis de nombreux Norvégiens opposés au projet australien. Il s’est par la suite rendu à Stavanger au meeting général annuel d’Equinor pour y présenter un discours de défense de la baie.
Suite à ça, une partie de la communauté norvégienne a montré son soutien aux Australiens et quelques surfeurs et pêcheurs du coin (qui ont déjà subi des menaces de forage de pétroles auparavant de la part d’Equinor), ont emmené Heath en surf trip sur les îles Lofoten.
« Je ne pensais pas un jour aller en Norvège, pas si loin du cercle polaire. Je ne pensais même pas protester pour le futur de nos enfants, pour notre futur à tous ». Si Heath a mis les pieds pour la première fois en Norvège, il a directement senti une connexion spéciale avec le pays scandinave : « c’est incroyable ! C’est différent de la baie, mais en même temps c’est très similaire. Tu sais que l’hiver doit être rude, il y a des tempêtes, et tout ça tu peux le voir en regardant le paysage. Je ne pensais pas que je sentirais un jour cette connexion ».
Sur les îles, Heath a eu l’occasion de rencontrer Mattias Hörnquist ainsi que Bjørnar Nicolaisen. Le premier est un surfeur et soutien le mouvement avec ferveur : « Tout ça, ça vaut beaucoup plus que de l’argent issu du forage. C’est magnifique et des personnes y vivent depuis des années. On peut y vivre tranquillement encore quelques années de plus si on en prend soin ».
Le second quant à lui, est un pêcheur des Lofoten : « on a connu ça il y a quelques années. Ça a énormément impacté la pêche car il n’y avait même plus de poissons dans notre zone habituelle. On devait s’éloigner dans des coins toujours plus sauvages ».
Pourquoi se battre pour la Baie australienne ?
Le monde n’est pas (encore) à court de pétrole. BP estime même qu’il y a des réserves pour 51 ans. Le projet de venir forer dans une zone océanique sauvage et dont la biodiversité devrait être fortement protégée devient alors inutile et facilement contestable.
En cas d’accident et de déversement de pétrole, c’est toute la côte australienne qui sera touchée. Et les risques présentés par la compagnie le montrent eux-mêmes : une marée noire pourrait s’étendre sur des milliers de kilomètres, causant des dommages irréversibles.
D’après Greenpeace, plus de 36 espèces de dauphins et de baleines pourraient être menacées. Le mouvement accuse Equinor de ne pas respecter l’environnement et continue d’affirmer que le projet est une menace, même après la révision du plan environnemental qui ne semble toujours pas prendre en compte la sauvegarde des espèces protégées de la baie.
Fight for the Bight, en plus de contester le projet en lui-même, s’oppose donc aussi à la compagnie Equinor qui viendrait tirer à elle seule le bénéfice du forage. En plus d’être irrecevable sur la plan environnemental et social, ce projet ne profiterait absolument pas à l’Australie.
Pourquoi l’Australie accepterait-elle alors ? Parce que le pays d’Océanie donne désormais carte blanche à des entreprises étrangères pour qu’elles accèdent aux ressources, en échange de payer un impôt nominal en Australie. Le combat est loin d’être terminé, et pas évident que ce fut la priorité du G7 réunis le week-end dernier à Biarritz…
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